Révélez le potentiel de vos typos grâce aux fonctions OpenType

Le format OpenType a considérablement augmenté les possibilités des fontes… mais en profitez-vous seulement ? Voyons les principales fonctions OpenType et comment les activer.

Depuis que l’informatique s’est imposé dans le monde de la création graphique, un caractère typographique est diffusé et utilisé sous forme logiciel. C’est ce logiciel que désigne désormais le terme de « fonte » typographique. Plusieurs formats de fontes se sont succédés, mais le format OpenType a marqué un tournant décisif. Il s’est imposé au début de ce siècle, avec les extensions de fichier en .otf ou en .ttf, qui ont remplacé les anciennes fontes PostScript et TrueType. Le format OpenType, a commencé d’apporter aux utilisateurs des possibilités jusqu’alors inédites.

Il a commencé par résoudre le problème agaçant de l’incompatibilité entre Mac et Pc. Aujourd’hui la même fonte peut être indifféremment installée sur un sytème Apple ou un sytème Windows. L’utilisateur est de ce fait assuré de voir son texte (sur Word, sur Indesign, etc.) se comporter exactement de la même manière, qu’il ouvre son travail sur un Mac ou un PC. C’est déjà un sacré soulagement.

Ensuite, OpenType permet d’inclure dans la fonte une variété de fonctions qui vont influer sur son comportement et raffiner la mise en forme du texte. Variantes de formes des lettres, extensions, ligatures, chiffres suspendus… la liste est longue et nous allons voir certaines de ces fonctions en détail un peu plus loin.

Une obscurité tenace

Hélas, si les spécifications du format ont été mises au point il y a déjà longtemps (1997, quand même), les potentialités des fontes OpenType sont restées pendant vingt ans largement méconnues des graphistes. La faute à qui ? Hé bien, la faute à Microsoft et Adobe. En effet les logiciels de traitement de la typographie qu’ils produisent, qui sont les plus populaires, ont énormément tardé à prendre en charge les fonctions OpenType. Fonctions qu’ils avaient pourtant eux-même mises au point… C’est étrange, mais c’est ainsi.

Par conséquent, les utilisateurs n’ont guère vu de changement dans les années 2000 avec l’arrivée de fontes en .otf ou .ttf. Seulement des fichiers qu’on installait, comme avant avec les anciennes fontes PostScript et TrueType. En réalité ces fontes OpenType pouvaient receler des trésors cachés, que l’on peut heureusement activer de plus en plus facilement.

Fontes basiques ou pro

Notez que des fonctions OpenType ne sont pas forcément incluses dans toutes les fontes OpenType. Ceci reste un choix de l’éditeur, qui peut enrichir ou non sa fonte d’une ou plusieurs fonctions. On distingue parfois les typos enrichies par l’appellation « Pro », mais ceci est encore le choix de l’éditeur. Par exemple un Garamond « Pro » de la fonderie X ne garantit pas un contenu plus riche à un Garamond « tout court » de la fonderie Y. La seule solution pour y voir clair reste de consulter le spécimen et de vérifier l’étendu du jeu de caractères, ainsi que les fonctions OpenType disponibles.

Comment activer les fonctions OpenType

Commençons donc par regarder où se trouvent les commandes d’activation.

  • Sur Indesign

L’accès le plus complet dans Indesign est la palette Contrôle, en haut à droite de votre écran.

Mais depuis la version 2017, Indesign affiche aussi les variantes de formes de lettres d’un simple clic. Il suffit de sélectionner le texte que l’on veut modifier et une icône OpenType apparaît automatiquement.

  • Sur Illustrator

Il faudra ici ouvrir la palette adéquat dans Fenêtre > Texte > OpenType. Désormais, on peut même utiliser les Jeux stylistiques.

  • Sur Word

Depuis Word 2013, l’accès aux réglages OpenType est devenu enfin facile. Il suffit de sélectionner son texte et de choisir l’option qu’on veux activer grâce à l’outil Effet de texte.

Notez qu’avec la version 2010 on peut déjà activer les ligatures : faire un clic-droit dans le texte, choisir le menu Fontes puis cliquer sous l’onglet Avancé, contenant les options OpenType. C’est moins pratique mais ça marche déjà un peu.

  • Sur PowerPoint

On trouve par endroits sur le net l’information que PowerPoint prend en charge les fonctionnalités OpenType. Hélas il n’en est rien, et la récente nouvelle version d’Office 2019 n’apporte aucune amélioration dans ce domaine.

Liste des principales fonctions OpenType

De très nombreuses fonctions OpenType sont possibles, chaque fonte OpenType ne va comporter que quelques-unes d’entre elles. Certaines sont normalement activées par défaut, et les autres doivent être activées par l’utilisateur.

  • Ligatures

Il s’agit des ligatures qui sont nécessaires pour rendre le texte plus fluide, telles par exemple les fi, ffl et fft. C’est la fonction la plus basique, que je qualifierais d’indispensable. Elle est normalement activée par défaut sur Indesign et les autres logiciels Adobe, mais bien sûr pas sur Word. Dans ce dernier il vous faudra l’activer manuellement, à chaque document que vous créez.

  • Ligatures conditionnelles

Certaines ligatures sont conçues pour être plus décoratives et ne conviennent pas toujours à la maquette que vous êtes en train de réaliser. C’est pourquoi on range ici ces ligatures qui doivent être désactivées par défaut, et activées uniquement à discrétion de (au choix de) l’utilisateur. C’est le sens du terme anglais « Discretionary ligatures », maladroitement traduit par « Ligatures conditionnelles ». J’aurais préféré pour ma part « Ligatures optionnelles » mais, que voulez-vous…

  • Variantes contextuelles

Il s’agit de variantes de formes qui se déclenchent en fonction du contexte. Il peut s’agir de ligatures ou de formes alternatives d’une lettre pour s’adapter à la présence d’une lettre voisine spécifique, ou pour s’adapter à une position dans le mot ou la ligne. Cette fonction est normalement activée par défaut, mais il peut arriver qu’il faille l’activer manuellement.

  • Petites capitales

Comme leur nom l’indique les petites capitales sont des formes capitales à la taille réduite. Si la fonction OpenType n’est pas présente dans la fonte, le logiciel bricole des petites cap à partir des capitales, ce qui a pour résultat des glyphes avec une graisse trop faible. Pour fonctionner correctement, les petites capitales doivent être dessinées et incluses dans la fonte, puis activées via cette fonction OpenType.

  • Chiffres alignés proportionnels

Les chiffres par défaut sont les chiffres alignés tabulaires. « Alignés » parce qu’alignés sur la hauteur des capitales, et tabulaires parce que chaque chiffre est réglé sur la même chasse, afin de permettre la réalisation de tableau (j’en parle ici, au paragraphe « le signe moins »). Or donc, la plupart du temps vous aurez besoin de chiffres qui se coulent dans le rythme non pas d’un tableau, mais d’un texte. Vous aurez donc souvent intérêt à sélectionner les chiffres proportionnels, dont la chasse varie en fonction de la largeur de chaque glyphe. Pensez aussi à paramétrer cette fonction dans vos feuilles de style.

  • Chiffres suspendus proportionnels

Comme variantes de formes aux chiffres alignés, on peut parfois trouver des chiffres suspendus. Ceux-ci sont dessinés pour se couler dans le rythme d’un texte courant, composé majoritairement de bas-de-casse. Ils permettent d’éviter l’effet de « bloc de noir » que produit un année ou une référence à l’intérieur d’un texte. Cela dit cet effet peut être désiré pour faire ressortir une information importante (un numéro de téléphone, par exemple). Vous avez donc toute liberté de choisir entre chiffres alignés ou suspendus, grâce aux fonctions OpenType.

  • Fractions

Voilà une fonction OpenType bien ignorée des graphistes. Elle permet de transformer une séquence « chiffres – barre oblique – chiffres », en une fraction proprement dessinée. Ce n’est pas vital, certes, mais ça fait chic.

  • Signes supérieurs

Là encore il s’agit d’un petit raffinement qui, sans être décisif, rend vos texte plus élégants. Les fonctions de base des logiciels bricolent des signes supérieurs à partir des bas-de-casse, ce qui pose des problèmes de graisse. C’est beaucoup moins choquant à l’œil que des fausses petites capitales, mais cela veut quand même le coup de faire l’effort d’appeler d’authentiques supérieurs. Votre gris de texte vous dira merci.

  • Jeux stylistiques

Il s’agit de fonctions personnalisables à souhait. Quand le développeur de fonte veut intégrer un programme OpenType qui ne correspond pas aux fonctions pré-définies, c’est ici qu’il le met. Chaque fonte peut recevoir un maximum de vingt jeux stylistiques, numérotés. Depuis sa version 2017, Indesign affiche (enfin) une brève description de chaque jeu stylistique. Si vous utilisez une version antérieure, reportez-vous au spécimen du caractère pour savoir quel numéro correspond à quel programme.

Prise en charge des fonctions OpenType par les logiciels

Maintenir à jour un tableau de la prise en charge des fonctions OpenType par chaque version des logiciels est un travail extrêmement fastidieux. D’ailleurs à ma connaissance, personne ne le fait… (si vous connaissez un exemple, je vous invite à me le faire savoir dans les commentaires ci-dessous).

Il existe toutefois des tableaux, incomplets, mais quand même utiles, consultables sur le net. Les deux que j’utilisent sont ceux de MyFonts et de I Love Typography.

À suivre

J’espère vous en avoir appris un peu sur ces fameuses fonctions OpenType, et vous avoir surtout donné envie de les utiliser. Je me suis limité à décrire les fonctions les plus courantes, mais il en reste bien d’autres, sans parler des possibilités offertes par le nouveau format OpenType de fontes variables. On traitera ce dernier plus tard car il n’est pas encore pleinement opérationnel à ce jour. En attendant je vous souhaite des textes raffinés à l’extrême, grâce à OpenType.

14 mars 2019
category Conseils typo
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Commentaires

2 réponses à Révélez le potentiel de vos typos grâce aux fonctions OpenType

    1. Bonjour Martin,
      Parce que je ne pratique pas ces logiciels, et que je ne peux pas tout couvrir faute de temps. Mais je suis d’accord ce serait intéressant d’en parler. Ainsi que de promouvoir les alternatives aux logiciels microsoft, qui sont tellement lents à évoluer. Il faudrait aussi parler côté Apple de Pages, Keynote, Textedit. Et de bien d’autres encore. Peut-être un jour.

      répondre à Bruno Bernard

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